
Facebook et les heures comptées m'ont détournée de ce joli forum. Un questionnement m'y ramène ce jour, mais j'espère vous y retrouver aussi pour les autres joyeusetés partagées (et désolée Cactus pour le dernier sans réponse)
La semaine dernière, après une magnifique journée au bois de boulogne avec le groupe initié par JP, j'ai passé à mon travail un lundi particulièrement éprouvant au milieu de gens fatigués, aigris et moroses ; dépassés par des évolutions trop rapides, empêtrés dans des modèles qui n'ont plus aucune réalité, ils se replient sur leur rocher, se tassent dans les derniers trous d'eau, entrent en guerre contre tous et contre eux-mêmes. Une génération de vieux travailleurs bousculés, malmenés par leurs peurs, épuisés par leurs efforts de bien faire toujours plus dilués dans un contexte de sous effectif chronique, d'exigence de compétence et d'autonomie toujours plus grand. Voila ça c'est aussi le monde des "entreprises d’utilité sociale" comme on dit maintenant. Une transition entre 2 mondes dont ils sont les dégâts collatéraux. Malgré leur désir de bien faire, leur volonté acharnée de vouloir aider les plus démunis...
Moi ça fait 5 ans maintenant que j’accompagne ce mouvement, à porter l'énergie du veŕre à moitié plein, du pas de côté nécessaire pour pouvoir continuer à rire, des limites à poser pour sa propre survie, rappeler que nul n'est tenu à l'impossible tout en sachant que c'est forcément insatisfaisant pour tout le monde, donner du sens au quotidien en ramenant la finalité, s'enthousiasmer, accueillir les obstacles comme des occasions plutôt que des contraintes...
Le contraste avec ce beau dimanche de co-évolution est flagrant : ils sont presque des morts vivants, depuis toutes ces années j'ai testé différentes méthodes pour ramener un peu de bien-être dans cet environnement, mais malgré quelques petits rayons de lumière inattendus, la plupart du temps on peut dire que ça ne fonctionne pas ! Resterait à les cajoler, les consoler, les plaindre, ..Une solution temporaire, peut-être de quoi les emmener en douceur jusqu'à la retraite. Mais ça je crois pas que c'est pour moi. Pour l'heure pas d'autre idée, et cette fois je doute si je vais en trouver une nouvelle..
Mais alors du coup je fais quoi ? Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui s'en foutent du sens ? Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui veulent rester là où ils sont, même si ce "où ils sont" les fait souffrir jusqu'à l'épuisement ? Je vais pas sauver le monde, ça c'est entendu. Ils ont le droit d'être ce qu'ils sont, ok. Cela suffit à les faire lever le matin et passer de bonnes vacances, tant mieux.
Mais moi j'ai envie de quoi ?
Détourner le regard, aller ailleurs, les oublier ? Qu'est ce que j’emmerde, il y a tellement de joyeux lurons de la co-évolution avec qui s'amuser pour construire un monde meilleur (et il y en a partout, y compris des tristes et des abimés, tant qu'ils sont conscients de vivre moi ça me va). Tans pis, les dégâts collatéraux c'est une quantité négligeable dans l'équation, même s'ils sont en nombre. C'est très moche. Mais c'est aussi tristement vrai. Et c'est une option tentante il faut bien le dire.
Ou bien je continue à relever ce défi humain, à l'aimer pour ce qu'il est aussi : une formidable zone de frottement qui oblige à la souplesse, qui rend vital le besoin de trouver une source inépuisable plutôt qu'une cruche (qu'ils sont capables de te pomper en moins d'1 heure sinon !), qui interroge l'altruisme à son plus haut degré. Et qui, peut-être, qui sait, a aussi une forme d'utilité pour cette communauté.
Enfin voilà ce sont mes questions du moment, ça me renvoie à la responsabilité :
Abandonner en conscience une partie de l'humanité. Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est souhaitable ? Être dans le partage et la co-évolution, mais alors juste avec les gens qui sont déjà dedans ! J'ai du mal à trouver la cohérence...
Merci de m'avoir lu et si ça vous dis des choses n'hésitez pas à partager !
Bises