par Corinne 2 2 » sam. 13 févr. 2016 19:51
Je vous partage un des textes que j'ai écrit pour le petit club d'écriture dont je fais partie, je l'ai trouvé approprié pour une première sur ce forum (en italique l'intitulé du sujet):
Je vous propose une consigne que j’appellerai « sandwich » : votre texte, de la longueur que vous souhaitez, sous la forme que vous souhaitez (prose, vers …), dans le style que vous souhaitez (sérieux, humoristique, orateur …) devra commencer par la phrase : « Je suis né(e) » et devra se terminer par celle-ci : « A mon enterrement, tous les animaux de la forêt suivaient tristement mon cercueil (ou suivirent, ont suivi, ou pourquoi pas suivront !!) »
Je suis né suite à une chute vertigineuse et à un atterrissage moelleux sur un tapis mordoré un beau jour de septembre. Vert, coiffé de ma calotte de nouveau-né et séparé de mon géniteur, j'ai patienté gentiment à ses pieds. Devenu brun et dégarni, il a fallu attendre le printemps suivant pour que le berceau qui m'avait accueilli me serve de fumure nourricière dans le creux de terre où je m'étais réfugié. Je suis un rescapé. Nombre de mes congénères finissent croqués par les gros nez grognons fouisseurs de terre qui vivent alentours.
Dans la quiétude de mon carré de feuillus, j'ai tout d'abord laissé s'allonger une petite antenne frêle que j'ai, afin d'assurer ma croissance, aussitôt gratifiée de quelque verdure dentelée à son extrémité. J'ai eu la chance d'être protégé par des broussailles s'érigeant fières et dissuasives tenant à distance les petites bouches voraces et ruminantes des hôtes cervidés de ces bois.
Au fil des saisons qui s'égrenaient, je me suis épanoui étendant de branche en branche ma puissance végétale. Mère-terre me donnait tout le loisir d'installer mes racines en elle, me permettant ainsi d'y puiser sa force minérale tandis que père-soleil caressait langoureusement mon feuillage de ses rayons alchimiques bienfaisants. Il en fut ainsi pendant de très très longues années. J'ai vu disparaître autour de moi mes vieux compagnons, naître les petits qui vont prendre la relève, j'ai à mon tour nourri la terre de mes feuilles, les animaux de mes fruits, servi de grattoir aux grognons, d'auberge à une flopée de quadrupèdes poilus dans le berceau de mes racines affleurantes, de suspensoir à quantité de nichées ailés piaffantes, d'aire de jeu à nombre d'insectes chatouilleurs, de couveuse à moult champignons, d'hôte parfait aux mousses et aux lichens.
A une époque, mon allure royale et la puissance que je dégageait ont même attiré les hommes et leurs cérémonies intrigantes. Je fut paré, vénéré, béni, étreint, caressé, embrassé, j'ai reçu les doléances, soigné, réparé les coeurs brisés, été le témoin d'amours naissantes, de querelles, de vies frémissantes ou s'évanouissant. Mais aussi de leur folie avide et destructrice.
Voici ce que fut ma vie, être, seulement être... jusqu'à ce qu'on décide pour moi qu'il n'en serait plus vraiment ainsi. Un beau matin de printemps alors que je m'apprêtais à glander comme je l'avais si bien fait jusque là, deux bipèdes armés, musclés et décidés m'attaquèrent furieusement à la hache. Leur roi était mort et seul un roi de la forêt pouvait honorer cet homme si bon en devenant sa dernière demeure.
Hé bien soit. Je fus ainsi transformé en sarcophage végétal afin d'accueillir sa dépouille.
J'assistais une dernière fois à un de ces drôles de rituels d'adieux dont les hommes ont le secret avant d'être ramené cérémonieusement dans ma chère forêt de Broceliande. J'appris ainsi que leur vénéré roi était un sage, un druide respecté qui avait beaucoup officié à la faveur de mes branches auspicieuses et il avait demandé, sentant son souffle de vie bientôt s'éteindre, à être enseveli parmi ses frères de la terre qui lui avaient tant donné. Ainsi fut fait et, sans le moindre étonnement d'aucune âme en présence, à mon enterrement, tous les animaux de la forêt suivaient tristement mon cercueil.
"Testament d'un gland-chêne"
Je vous partage un des textes que j'ai écrit pour le petit club d'écriture dont je fais partie, je l'ai trouvé approprié pour une première sur ce forum (en italique l'intitulé du sujet):
[i]Je vous propose une consigne que j’appellerai « sandwich » : votre texte, de la longueur que vous souhaitez, sous la forme que vous souhaitez (prose, vers …), dans le style que vous souhaitez (sérieux, humoristique, orateur …) devra commencer par la phrase : « Je suis né(e) » et devra se terminer par celle-ci : « A mon enterrement, tous les animaux de la forêt suivaient tristement mon cercueil (ou suivirent, ont suivi, ou pourquoi pas suivront !!) » [/i]
Je suis né suite à une chute vertigineuse et à un atterrissage moelleux sur un tapis mordoré un beau jour de septembre. Vert, coiffé de ma calotte de nouveau-né et séparé de mon géniteur, j'ai patienté gentiment à ses pieds. Devenu brun et dégarni, il a fallu attendre le printemps suivant pour que le berceau qui m'avait accueilli me serve de fumure nourricière dans le creux de terre où je m'étais réfugié. Je suis un rescapé. Nombre de mes congénères finissent croqués par les gros nez grognons fouisseurs de terre qui vivent alentours.
Dans la quiétude de mon carré de feuillus, j'ai tout d'abord laissé s'allonger une petite antenne frêle que j'ai, afin d'assurer ma croissance, aussitôt gratifiée de quelque verdure dentelée à son extrémité. J'ai eu la chance d'être protégé par des broussailles s'érigeant fières et dissuasives tenant à distance les petites bouches voraces et ruminantes des hôtes cervidés de ces bois.
Au fil des saisons qui s'égrenaient, je me suis épanoui étendant de branche en branche ma puissance végétale. Mère-terre me donnait tout le loisir d'installer mes racines en elle, me permettant ainsi d'y puiser sa force minérale tandis que père-soleil caressait langoureusement mon feuillage de ses rayons alchimiques bienfaisants. Il en fut ainsi pendant de très très longues années. J'ai vu disparaître autour de moi mes vieux compagnons, naître les petits qui vont prendre la relève, j'ai à mon tour nourri la terre de mes feuilles, les animaux de mes fruits, servi de grattoir aux grognons, d'auberge à une flopée de quadrupèdes poilus dans le berceau de mes racines affleurantes, de suspensoir à quantité de nichées ailés piaffantes, d'aire de jeu à nombre d'insectes chatouilleurs, de couveuse à moult champignons, d'hôte parfait aux mousses et aux lichens.
A une époque, mon allure royale et la puissance que je dégageait ont même attiré les hommes et leurs cérémonies intrigantes. Je fut paré, vénéré, béni, étreint, caressé, embrassé, j'ai reçu les doléances, soigné, réparé les coeurs brisés, été le témoin d'amours naissantes, de querelles, de vies frémissantes ou s'évanouissant. Mais aussi de leur folie avide et destructrice.
Voici ce que fut ma vie, être, seulement être... jusqu'à ce qu'on décide pour moi qu'il n'en serait plus vraiment ainsi. Un beau matin de printemps alors que je m'apprêtais à glander comme je l'avais si bien fait jusque là, deux bipèdes armés, musclés et décidés m'attaquèrent furieusement à la hache. Leur roi était mort et seul un roi de la forêt pouvait honorer cet homme si bon en devenant sa dernière demeure.
Hé bien soit. Je fus ainsi transformé en sarcophage végétal afin d'accueillir sa dépouille.
J'assistais une dernière fois à un de ces drôles de rituels d'adieux dont les hommes ont le secret avant d'être ramené cérémonieusement dans ma chère forêt de Broceliande. J'appris ainsi que leur vénéré roi était un sage, un druide respecté qui avait beaucoup officié à la faveur de mes branches auspicieuses et il avait demandé, sentant son souffle de vie bientôt s'éteindre, à être enseveli parmi ses frères de la terre qui lui avaient tant donné. Ainsi fut fait et, sans le moindre étonnement d'aucune âme en présence, à mon enterrement, tous les animaux de la forêt suivaient tristement mon cercueil.
[b]"Testament d'un gland-chêne"[/b]